Ali Djaé, ancien journaliste et directeur général de l’Ortc de 2001 à 2006, nous parle du journalisme aux Comores. Une grosse plume qui, pour son expérience dans le domaine, peut faire valoir ce que revient de droit au journalisme. Retraité, Ali Djaé est un passionné de culture, de la société et de la politique comorienne.
En quoi consiste le métier de journaliste ?
Le journaliste est une personne dont la profession est de rassembler des informations, de rédiger des articles ou mettre en forme des faits qui contribuent à l’actualité et rapporter l’information au public. Le travail du journaliste consiste à recueillir des informations pour des reportages et écrire des articles en vue de les publier sur des supports écrits, audio, photos et vidéos. Tout en respectant la déontologie et l’éthique, deux principes cardinaux régissant le journalisme.
Quels étaient les débuts du journalisme aux Comores ?
Aux Comores, les supports de l’information ont été caractérisés par le tambour et le coquillage et enfin le clairon. Le journalisme est apparu très tardivement dans notre pays. Ce n’est en réalité que durant les 20 dernières décades que le journalisme a eu droit de cité dans notre pays et ce, pendant la période coloniale où il n’existait qu’un seul média l’Ortc installé à Dzaoudzi Mayotte, animé par des français. Dans le souci de permettre les informations distillées par leur canal soient à la portée du public autochtone, l’Ortf a recruté un comorien en la personne de Said Ahmed Cheikh pour présenter le journal en Shikomori. Donc celui-ci fut de fait le premier journaliste de profession, c’était en 1963. Après le transfert de la station de Mayotte à Moroni en 1966 d’autres comoriens ont été recrutés pour faire office d’animateurs. Il s’agit d’Abdallah Mansoib et Boudra. Ce n’est donc les années 1972 période à laquelle est sortie la première promotion de nos bacheliers, que les jeunes comoriens partis suivre leurs études en France seront admis dans les écoles de formation des journalistes à Bordeaux, à Lille et à Paris. Le gros morceau de ces journalistes formés et diplômés prendront le chemin de retour au bled, parmi lesquels Abdourahim Said de Serehini, Aboubacar Mchangama patron du journal Archipel, Kamaria Awadi, Said Hassani Jaffar et Mohamed Dhakoini Abdou. Après l’accession de notre pays à la souveraineté internationale, plusieurs étudiants se sont orientés vers la profession dans divers établissements de formation en Afrique. Seulement en 1982 le gouvernement d’alors a constaté le manque criant des professionnels en journalisme. Il a décidé d’intégrer à l’ENES, école nationale d’enseignement Supérieur de Mvouni une filière en journalisme, suite à laquelle trois promotions seront sorties dont les récipiendaires seront affectés à radio Comores qui a pris la place de l’Ortc et Al-watwan nouvellement créé pour remplacer le défunt Agence de presse des Comores qui émettait uniquement des dépêches.
Par contre, c’est pendant la révolution du président Ali Soilihi que les jeunes ont embrassé le métier de journaliste en bénéficiant une formation sur le tas. Bien sûr le recrutement était sélectif après avoir passé un concours. C’est en 1990 lors de l’ère démocratique prônée par le président Djohar que le paysage audiovisuel des Comores a pris une tournure significative avec l’apparition des radios et télévisions communautaires et des titres des journaux à l’instar de Kashikazi de Kamal Saindou, le Matin des Comores et Al fajr Anjouan de Mohamed Dhakouani. Aujourd’hui on fait face aux médias en ligne avec ses corollaires, la presse numérique et les fameux directs à partir d’un Smartphone. Tout le monde s’improvise journaliste.
Qu’est-ce qui pourrait améliorer le journalisme aux Comores ?
Pour améliorer le journalisme dans notre pays, il faut d’abord harmoniser le code de l’information et renforcer l’environnement juridique. Il faut également miser sur la formation et l’encadrement. Un journaliste qui n’est pas bien formé c’est un assassin en puissance qui peut être à l’origine de beaucoup de maladresses et par-dessus tout faire mal. Notre pays possède un code de l’information datant de 1994 et réactualisé en 2009 mais qui est en passe d’être caduque. Dieu merci nos parlementaires sont en ce moment en conclaves pour échafauder un autre code de l’information devant refléter la réalité du moment en tenant compte de l’évolution socioéconomique et les mutations intervenues dans le paysage audiovisuel de notre pays.
Quelle expérience voulez-vous partager avec les nouveaux journalistes ?
Dans ce métier, il faut être patient, avoir de la curiosité et de la rigueur. Se comporter d’une manière élégante pour être à l’écoute de tout le monde surtout il faut être très réactif et pugnace. C’est un métier par lequel on est en perpétuel apprentissage. Pour terminer je vais vous raconter une histoire terrible qui m’est arrivée dans l’exercice de mon travail de journaliste. Le président Ahmed Abdallah Abderemanere venait d’un voyage officiel au Maroc à bord d’un avion affrété par le royaume chérifien. Nous sommes en 1983. Au cours du journal dont j’étais le présentateur, l’information a été traitée dans tous ses aspects et sa dimension. Tout a été passé au peigne fin. Seulement je n’ai pas mis aux antennes le vrombissement des moteurs de l’avion. Sans préavis j’étais viré sur le champ. J’ai réintégré la boîte 5mois plus tard. Je rigole aujourd’hui quand j’entends de plaintes ici et là, relatives à des restrictions et des violations de la liberté de la presse. C’est normal, ces gens là ne savent pas qu’en arrivant au stade où nous sommes les professionnels de l’information ont escaladé monts mais jamais de merveilles.
Propos recueillis par Ahmed Zaidou (Stagiaire)