ALFAJR QUOTIDIEN – Journal d'information quotidien comorien

Miya Sarl/Azhar Bacar : « Nous sommes à la recherche de fonds pour pérenniser notre entreprise »

Il y a un peu plus de deux ans, Miya Sarl lançait sur le marché, son produit jus des fruits, Miya. Un jus bio et saint apprécié par le consommateur. Azhar Bacar, jeune entrepreneur et gérant de l’entreprise Miya Sarl, nous parle dans cet entretien de ses motivations dans l’agroalimentaire, le lancement du projet et les difficultés que rencontre l’entreprise malgré une première année de production bien réussie. Interview. 

Qu’est-ce qui vous a motivé à investir dans l’agroalimentaire ?

Étant enfant de paysans, je suis né et nourri par l’agriculture. D’ailleurs, j’aime tout ce qui est Bio. Je suis le genre de personne qui préfère manger une banane préparée (et pourrie) que de manger un pain ou une galette encore moins les produits carnets et en boîte à conserve. Cet amour c’est tout ce que la nature peut nous offrir comme nourriture saint. C’est une passion pour moi et l’agroalimentaire un projet d’entreprise.

Comment avez-vous réussi à vous lancer dans votre projet ?

Personne ne peut prétendre arriver à quelque chose ou quelque part tout seul, il y a toujours un stimulant ou je dirais une raison d’y être. Ce fut lors de la première édition du Concours Plan d’affaires (CPA) que l’opportunité s’est présentée en moi. En effet, un ami avait déjà lancé des tests sur la transformation des fruits en jus pasteurisé. Cependant, défaut de temps et disponibilité, le projet était resté en phase test et n’avait pas vocation à se développer de sitôt. Quand il m’en avait parlé une ou deux années auparavant, je lui avais manifesté l’intérêt que je porte à ce genre de projet. C’est ainsi, étant donné que j’étais très disponible et surtout que je ne le laisse pas l’occasion de l’interpeler de mon intérêt toujours fort de ce projet, cet ami m’à proposer enfin de porter le projet au CPA. Pour moi, ce fut une révélation, un vœu exaucé en plein jour. J’ai porté le projet dans le concours, et on a été effectivement sélectionné parmi les jeunes entreprises encours de lancement. Avec un apport de 3 000 000 kmf de subvention, on s’est lancés dans un projet de moins de 15 millions de budget. Et comme on a pris l’engagement devant nos bailleurs (le PIDC à travers le projet CPA), nous nous sommes débrouillés pour mobiliser les fonds restants (12 millions) pour lancer le projet à petite échelle.

Vous vous êtes débrouillés comment ?

Après avoir reçu notre subvention de 3 millions de francs comoriens, le défi est lancé pour mobiliser les 12 millions qui restaient en court temps. Il était question de respecter le délai d’exécution d’une part mais aussi de rattraper également la saison des mangues qui ne vient qu’une fois l’année (novembre-décembre). Le défi était de taille, entre apport et prêt, on était obligés de porter des garanties à la banque pour faire un crédit, sachant que même les 3 millions acquis, étaient la facture de l’acquisition des emballages (bouteilles en verre) hors transport qui demandait à mobilier près de 2 millions supplémentaires en pleine période de Covid-19.

Quelles sont les difficultés rencontrées depuis le lancement du projet ainsi que la quantité de production au début ?

Je me rappelle que dans cette même période, malgré tous les jonglages entre transporteur et agence logistique, les bouteilles ont fait près d’une semaine au port de Mutsamudu à cause du mauvais temps et en pleine crise du départ d’un gérant de la logistique maritime aux Comores. Malgré ces difficultés, on a pu lancer la première production avec des équipements rudimentaires et un système d’approvisionnement, de collecte et de traitement de la matière première entièrement manuelle. Grâce à l’expertise d’une experte que nous avons engagée, venue de l’Afrique de l’Ouest, on a puis finir avec la production d’à peu près de 8 000 bouteilles de jus de mangue naturelle et un peu plus d’une vingtaine de jerricanes de purée de mangue pour une production totale de 8 tonnes de fruits. Entre refus et hésitation du produit dans le marché, on a pu quand même, vendre près de la moitié de notre stock la première année avec un taux de pénétration dans le marché de près de 75%. Mais ce qui nous a fait encore plaisir, c’est qu’on a constaté que ce risque que nous avons pris a permis à d’autres à se lancer dans le milieu. Et aujourd’hui, on se trouve probablement 3 entreprises déjà opérationnelles dans le domaine. Cependant, la deuxième année de production n’était pas aussi facile, entre le problème de main d’œuvre, la mauvaise saison de mangue qu’a connue le pays, et surtout la cherté de l’ananas avec nos paysans, qui n’était toujours pas disponible. Nous avons puis en tout, produire près de 16 000 bouteilles donc vous comprendrez que c’est peut-être 16 tonnes de fruits (mangues et ananas) transformés. Malgré ce progrès, le coup de la production reste encore plus cher et pénible. Manque de main d’œuvre de qualité (trop d’absence, de paresse, d’excuses familiales…) qui en veulent plus alors qu’on peine même à payer nos charges au quotidien. Je me rappelle un jour on a perdu une production d’à peu près de 300 000 kg d’ananas. C’était un weekend et il n’y avait pas de Gaz (butane) disponible (en tout cas les bouteilles moyennes) le temps de trouver des bouteilles vides et prendre les petits, puis reprendre la production, le lendemain matin, on a observé la perte de la qualité de ce que nous avons produit la veille, on était donc obligés de tout jeter. Là encore notre broyeur nous a lâchés toute la période de production, on a dû improviser avec des robots mixeur de maison pour maintenir la production.

Quelles sont vos perspectives pour pérenniser le projet ?

En effet, il existe plusieurs types de machines qui permettent une production à petite échelle qui pourrait nous aider à semi-automatiser notre production et assurer une disponibilité de nos produits tout au long de l’année comme nous le faisons encore. Ce qui nous permettrait de tripler voir quadrupler la production. Dans la mesure où ce genre de production demande une production assez conséquente pour pouvoir couvrir les charges et espérer avec des bénéfices. A moins que ce n’est pas des produits Bio ou encore moins naturel. Aujourd’hui, nous sommes à la recherche de fonds pour pérenniser notre entreprise avec autant de force et surtout à produire assez pour le marché local et régional donc on ne se prive pas d’offrir à des amis en visite dans le pays qui n’arrête pas de manifester leurs souhaits de trouver nos produits dans les rayons de leur super marché dans leur pays. Ainsi faire la promotion du made in Comoros dans le marché local et à l’international. Aujourd’hui, on se pose des questions sur comment trouver les moyens d’automatiser une partie de notre processus de production sans être obligés de vendre notre entreprise qui pourrait dénaturer notre philosophie de produits Bio et Saint.

Votre dernier mot.

Je profiterais de cette occasion pour remercier toute l’équipe qui a accepté de vivre cette aventure avec nous (la première et la deuxième production) mais également ceux qui ont apporté leur appui moral qui nous a permis de tenir. Car je pense que sans eux on aurait abandonné. Je poserais un mot de remerciement très fort à nos familles, qui malgré leur pessimisme général nous ont encouragé.

Propos recueillis par KDBA

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