Président du parti Comores Alternatives, Said Ahmed Said Abdillah a répondu à nos questions sur l’actualité brulante du pays. Au cours de cet entretien, il est revenu sur la crise des sociétés d’Etat tout en contestant à la privatisation de l’aéroport des Comores.
Le président Azali a été agressé physiquement par un gendarme le 13 septembre dernier. Quelle est votre indignation face à cette attaque ?
Permettez-moi d’abord de vous remercier pour m’avoir accordé cette interview surtout au moment où notre pays passe une période prérévolutionnaire et le monde en pleine guerre surtout au Moyen-Orient. Vous me parlez d’indignation ? Je risque de vous décevoir car je ne suis ni lâche, ni hypocrite par rapport à mon combat politique, à mon pays et au peuple comorien. Je ne suis pas indigné de l’action de désespoir et de détresse du jeune Ahmed Abdou de Salimani Itsandra qui a tenté d’agresser physiquement le président Azali Assoumani. Je ne suis pas indigné que la violence que le régime macabre et dictatorial d’Azali Assoumani a instauré – emprisonnement et assassinat – comme mode de gouvernance lui retourne en pleine figure. Je dois, permettez-moi, m’expliquer pourquoi cette position, or il fut un temps j’ai soutenu comme d’autres le colonel Azali Assoumani pour faire les assises nationales et le changement de la constitution. Je fais partie de ceux et celles qui croient à la démocratie et la tournante au chef de l’exécutif de l’Union au niveau des îles gage de stabilité et du développement des Comores. Mais, Azali Assoumani avait d’autres objectifs que nous avons constaté par la suite, entre autres, détruire l’unité de notre pays – qui est déjà fragilisée par l’occupation par la France d’une partie de notre territoire, Mayotte- et supprimer totalement la tournante et enterrer la démocratie. La tournante de l’exécutif de l’Etat au niveau des îles a donné une stabilité et une alternance démocratie avec quelques failles acceptables. Ella a même attiré nos frères et sœurs comoriens de Mayotte. Le colonel Azali Assoumani n’a pas seulement supprimé la tournante- primaire dans une île aux premiers tours – au niveau des îles mais même à la Grande Comore, il ne veut voir que lui et ses cailloux. Je vous dis donc, non et encore non je ne suis pas indigné mais je ne danserai pas. Rappelez-vous régulièrement ces noms que le Colonel Azali Assoumani a emprisonné – des leaders politiques – l’ancien président Mohamed Ahmed Abdallah Sambi, Dr ACHMET, leader du parti Huri, l’ancien Gouverneur d’Anjouan Dr Salami et d’autres qui croupissent en prison à Anjouan. En dehors d’emprisonnement, il a fait assassiner des militaires-Commandant Fayçoil Abdouslam, Major Salim Abderrazak (MOUTU), Major Akim Ba Pale et des civiles -Dr Ahmed Mohammed Djazza, Aymane Nourdine, Fahad, Mouslim etc. Ce sont tous des violences morales et physiques et comment vous voulez que cet homme qui a instauré la violence comme mode de gouvernance ne la reçoit pas en retour. Nous, les hommes et femmes politiques de l’opposition, voulons la chute de ce régime or sans la démocratie- qu’il a banni- comment le faire sortir du pouvoir : par des conférences de presse, des communiqués ou des débats sur des chaines des tv des réseaux sociaux où personne ne regarde ? Soyons honnête au moins envers nous-même. Les hommes et les femmes politiques qui respectent l’esprit de la démocratie ne sont pas des fous mais ils ont appris avec l’histoire la fin de la dictature et de la barbarie. La France en a appris avec Louis XVI, l’Allemagne avec Adolf Hitler et l’Italie avec Mussolini. On ne récolte que ce qu’on a semé et nous devons arrêter d’être, des lâches et des hypocrites envers notre pays et notre peuple.
Comment réagissez-vous par rapport à la mort de l’assaillant ?
Nous mourons tous un jour et le problème n’est pas la mort mais la manière dont nous mourons. Je suis, par contre, attristé et indigné par l’assassinat du jeune martyr Ahmed Abdou- que Dieu lui ouvre les portes du paradis- qui a été arrêté vivant et tué comme un cabri par les services de sécurité du colonel Azali Assoumani à Beit Salam, palais présidentiel des Comores. Je profite de cette occasion de transmettre mes condoléances les plus attristées à sa famille, à la jeunesse comorienne et au peuple comorien épris de liberté et de la démocratie. Dans cette histoire mélodramatique, il y a des responsables qui n’ont pas assuré leurs rôles ou ils étaient complices de l’acte : les services de renseignements comoriens, surtout le service de renseignement militaire et les responsables de la sécurité du président. Comment un chef d’Etat se déplace et entre dans une maison non sécurisée au moins à la veille ? Comment un chef de l’Etat entre dans une pièce sans être précédé par une personne de sa sécurité pour vérifier le lieu quelques minutes avant ? Comment un chef de l’Etat peut être agressé pendant quelques minutes sans que les services de sa sécurité ne puissent venir immédiatement à son secours ? Les deux services n’ont pas assuré leurs rôles et ont rapidement exécuté l’unique suspect pour masquer leurs faiblesses et leurs failles ou cacher la vérité qui finira un jour d’être connu. Je vous rappelle que tout chef de l’Etat, quel que soit le pays, a un risque potentiel d’agression ou d’attentat pour plusieurs motifs qui ne sont pas toujours politiques. Permettez-moi de vous parler d’un jeune Allemands de 17 ans qui a tenté de tuer Napoléon Bonaparte par un couteau, Friedrich Staps (1792-1809). Une histoire relatée par plusieurs historiens et politiciens dont l’ancien premier ministre français, Dominique de VILLEPIN dans son livre : « La chute ou l’empire de solitude » éditions Perrin 2008 page 111. Il me parait important de relater l’échange que ce jeune STAPS a eu avec l’empereur Napoléon Bonaparte : « Pourquoi vouliez-vous m’assassiner” demanda Napoléon au jeune Staps ? “Parce qu’il n’aura jamais la paix en Allemagne tant que vous serez au monde” répondit Staps. “Qui vous a inspiré ce projet?” demanda Napoléon. “L’amour de mon pays” répondit Staps. “Qui vous a inspiré ce projet?” demanda Napoléon. “Je l’ai trouvé dans ma conscience” répondit le jeune Staps. “Ne saviez-vous pas à quels dangers vous exposiez?” demandant Napoléon. “Je le savais ; mais je serai heureux de mourir pour mon pays” répondit Staps. “Vous avez des principes religieux ; croyez-vous que Dieu autorise l’assassinat ?”demanda Napoléon. “J’espère que Dieu me pardonnera en faveur de mes motifs.” Répond Staps. “Est-ce que dans les écoles que vous avez suivies, on enseigne cette doctrine (Patriotisme) ?”demanda Napoléon. “Un grand nombre de ceux qui les ont suivies avec moi sont animés de ces sentiments et disposés à dévouer leur vie au salut de la patrie.” Répondit le jeune Staps. “Que feriez-vous si je vous mettais en liberté ?” demanda Napoléon. “Je vous tuerai” répondit le jeune Staps ». J’ai voulu relater un peu le courage de certains jeunes qui se sacrifie pour leur patrie et c’est ce que je pense de ce jeune Ahmed Abdou. Il marqua l’histoire des Comores comme le premier homme à oser affronter par un couteau un dictateur qui a pris le pays en otage avec sa famille et ses clans.
Que proposeriez-vous pour le renforcement de la paix et quel conseil donneriez-vous pour que tels actes ne se reproduisent plus ?
La paix est souhaitable pour tout le monde mais elle a un prix et ce prix est la liberté, la justice et la démocratie. Tant que ces trois valeurs, au moins, ne sont pas acquis, il ne faut pas se leurrer, il n’y aura ni paix et surtout ni stabilité. Nous sommes des musulmans et le prophète Muhammad, paix et bénédiction d’Allah soient sur lui et sa famille nous dit : « ne serait pas croyant l’un d’entre vous jusqu’à ce qu’il désire à son frère ce qu’il souhaite à lui-même ». L’Etat comorien est un bien commun à tous les comoriens et chaque comorien a droit s’il le désire de diriger notre pays. Un Etat est un tout, la sécurité, la justice, la liberté, l’éducation, la santé et surtout la démocratie, c’est-à-dire, laisser le peuple choisir leurs dirigeants pour éviter la guerre ou la révolution. L’ancien président Dr Ikilillou Dhoinine n’était pas fou en ayant respecté le terme de son mandat et la constitution du pays. L’ancien vice -président et candidat aux élections présidentielles de 2016, Mohamed Ali Soilihi dit Mamadou, qui a gagné les élections n’était pas fou, s’il a préféré la paix à la lutte du pouvoir par la force de la rue. Vous pensez qu’il n’avait pas une femme avide de pouvoir ou des enfants, mais entre ce qu’il veut ou voudra et le respect du serment donné au peuple, il y a le choix qui peut parfois vous couter la vie. C’est pourquoi nous luttons contre toutes formes de prise en otage d’un bien commun- notre pays – par une famille ou un clan jusqu’au retour de la liberté et de la démocratie. Pour le conseil, je ne pense pas avoir des conseils à donner. Par contre, si j’ai été Azali Assoumani, je n’aurai pas voyagé même vers Mohéli sans avoir changer les responsables du service du renseignement comorien et ceux qui s’occupent de la sécurité présidentielle à défaut de les faire juger par un tribunal militaire. Un Etat est un tout, la sécurité, la justice, la liberté et surtout la démocratie, c’est-à-dire, laisser le peuple choisir leurs dirigeants pour éviter la guerre ou la révolution. L’ancien président Dr Ikilillou Dhoinine n’était pas fou en ayant respecté le terme de son mandat et la constitution du pays.
Vous n’êtes pas sans savoir que nombreuses sociétés d’État sont en crise en l’occurrence l’Onicor. Cela n’explique pas une économie en berne ?
La mise en faillite de plusieurs sociétés d’Etat par le régime d’Azali Assoumani est due au fait de transformer l’Etat et ses sociétés à une épicerie familiale en nommant à des postes des gens qui sont des courtisans sans aucune base de méritocratie. Pour l’Onicor, je ne partage pas la politique de la libéralisation de l’importation du riz ordinaire. Je sais que la société Onicor a été mise en faillite par le régime macabre et dictatorial d’Azali Assoumani comme d’autres sociétés d’Etat. La solution n’est pas la libéralisation de l’importation mais la mise en place d’une bonne gestion des sociétés d’Etat. Pourquoi hier, l’Onicor a été la vache à lait de l’Etat après les hydrocarbures et aujourd’hui on l’a enterré en prétendant une politique de libéralisation ?
La privatisation de l’aéroport des Comores, un atout ou une faiblesse ?
Je crains que dans notre pays, on se croit en dehors de l’univers et on continue à répéter les mêmes erreurs. On a besoin certes des investisseurs mais qu’ils s’intéressent à nous apporter ce que nous n’avons pas pour l’instant les moyens financiers ou matériels de le faire or le besoin, il y a dans le pays. Par exemple, pourquoi pas une compagnie aérienne comme Emirats ne s’investisse aux Comores pour désenclaver le pays. Mais les investisseurs viennent chez nous, exploitent le peu de sociétés et infrastructures qui marchent au détriment des Comores et du peuple comorien. On est où avec la privatisation des ports de Moroni ? Qu’est-ce que les Comores ont gagné réellement en dehors quelques mannes financières qui entrent dans les poches de certaines sangsues du pays ? Je trouve que la privatisation de l’aéroport est une faute grave qu’il faudra à tout prix trouver un moyen de l’arrêter.
Propos recueillis par KDBA