ALFAJR QUOTIDIEN – Journal d'information quotidien comorien

Said Ahmed Said Abdillah : « Parler d’un dialogue national est une sorte d’aveu d’échec »

Alors que le dialogue national est d’actualité, dans cette interview Said Ahmed Said Abdillah livre son avis par rapport à ce dialogue inter-comorien. Il est revenu sur le secteur économique du pays et la crise que traverse le pays.

Aussitôt le président de la République appelle à un dialogue national, le G10 demande la libération des détenus politiques avant cette assise. Qu’en pensez-vous ?

Permettez-moi de profiter de cette occasion de souhaiter une bonne fête de sacrifice aux peuples Comoriens et aussi la fête de 46 années de l’indépendance. Malgré les 46 années d’indépendance qu’on fête chaque année avec beaucoup de bruits et des fiertés, elle reste inachevée du faite de l’occupation par la France d’une partie de notre territoire nationale, Mayotte. Elle reste incomplète aussi du faite de l’usage dans notre pays d’une monnaie coloniale, appelée le franc comorien. Nos aînés ont fait leurs devoirs, que nous saluons leurs mémoires, il reste à nous nouvelle génération de parachever leurs œuvres. Il faudra vous rappeler que le parti politique que j’ai eu la chance de diriger, le Parti Comores Alternatives (P.CA) fait partie de l’alliance de dix partis politiques qu’on appelle G10. Mais ici je m’exprime en tant que chef d’un parti politique Comores Alternatives et mes positions n’engagent pas systématiquement le G10 qui a un bureau exécutif et qui s’exprime pour tous ses membres. Quant à votre question, j’ai souvent entendu cet appel venant du chef de l’Etat, sans qu’on puisse savoir le fond réel de son appel. C’est à lui d’éclaircir les Comoriens et surtout les hommes et femmes politiques les fonds de sa pensé et les objectifs de son appel. Mais je n’ai pas su que le G10 a émis des conditions pour l’organisation d’une réconciliation nationale ou assis bis. A ma connaissance, il n’a pas été concerté par le chef de l’Etat pour cette démarche en tant que groupement politique de la mouvance présidentielle. Par ailleurs, le G10 n’est pas le destinataire de cet appel de réconciliation nationale en étant un soutien du régime. Toutefois, de notre part, ce n’est pas l’urgence du moment. Je crois qu’on va encore perdre du temps à palabrer sur des engagements où personne ne voudra les respecter ni les appliquer. On a fait les assises nationales qui ont mobilisé les talents et l’argent du peuple comorien. On a rien retenu et appliqué que la proposition de modification de la constitution, qui n’a pas été le plus grand obstacle au développement économique et social de notre pays. Cela ne va pas dire que je ne vois pas la crise de confiance et la crise économique et sociale qui frappent notre pays et la misère du peuple comorien. Mais la solution n’est ni le dialogue nationale ni la naissance des différentes formes des gouvernements en exil qui ternissent l’image de notre pays et ceux de ses leaders politiques. Le chef de l’Etat a toutes les données à sa disposition, les gouverneurs et l’assemblée, pour mener à bien une politique qui mettra fin à la situation de crise que nous vivons actuellement sans perdre du temps dans des palabres.

Que proposeriez –vous pour la réussite du dialogue nationale ?

Cela peut paraitre absurde mais je ne pense pas qu’on doit y avoir un dialogue national encore après les assises nationales. Les Comoriens veulent autres choses, qu’on s’occupe de leurs quotidiens et que le pays trouve une issue pour son développement économique et social. Parler d’un dialogue national est une sorte d’aveu d’échec pour ceux qui nous dirigent aujourd’hui et un mépris voir une insulte aux peuples comoriens.

Cela fait plus de quatre mois que vous vous trouvez à l’étranger. Votre absence n’inquiète pas les membres de votre parti politique ?

J’ai quitté le pays pour une mission précise surtout en pleine crise de covid-19 et absence d’activité économique qui a frappé mes affaires et presque tous les entrepreneurs comoriens. Nos militants du parti Comores Alternatives (P.C.A) continuent à se mobiliser et s’organiser avec le G10 qui est un regroupement politique pour les Comores d’aujourd’hui et de demain. Nos militants qui sont en contacts réguliers avec moi non aucun inquiétude à se faire et surtout que je compte y retourner d’ici peu inchaallah.

Vous n’êtes pas sans savoir que le pays traverse une crise sans précédent liée à la hausse des tarifs douaniers. Une crise qui a provoqué la pénurie des produits carnés et alimentaires. Qu’est-ce que vous préconisez face à cela ?

 Réduire la crise économique et sociale qui frappe notre pays aujourd’hui marquée par la pénurie des produits carnés, alimentaires, de pétrole lampants et d’autres par la hausse des tarifs douaniers est injuste. Il ne faut pas vite oublier la crise liée au coronavirus, qui a frappé l’économie du monde entier et aussi notre pays. Cette crise a surtout frappé les secteurs privés plus particulièrement les secteurs touristiques mais aussi les importateurs et les grandes distributions. Contrairement aux autres pays de la région et du monde, qui ont su intervenir financièrement pour aider et accompagner les secteurs privés, notre pays a eu juste des discours et de prolongement des dettes de six mois aux créanciers des banques. Mais la crise continue et les secteurs privés continuent à assumer des charges lourdes sans aucune aide de l’Etat Comorien. Il faudra, peut-être le rappeler qu’un Etat a deux bras pour mener à bien une politique économique afin d’assurer le développement du pays : la politique monétaire et la politique budgétaire. Malheureusement, les Comores, malgré l’indépendance qu’on célèbre en fanfare chaque année, n’a qu’un seul bras, celui de la politique budgétaire. Cette dernière est la politique qui consiste à gérer les recettes de l’Etat qui dépendent en grande partie à la politique monétaire qui est pilotée par la banque centrale européenne dont certains d’entre eux à Francfort ignorent totalement les Comores et nos misères. En pleine crise du coronavirus, la politique budgétaire n’a pas le moyen d’intervenir seule. Les pays du monde entier ont fait intervenir la politique monétaire, par les biais de leur banque centrale qui a injecté beaucoup des liquidités et ont baissé leurs taux directeurs pour soutenir leurs secteurs économiques. Aux Comores, nous cesseront de le dire, la banque centrale dite des Comores ne servent ni les Comores et de loin le peuple comorien. Or la politique monétaire est pilotée par la banque centrale, à la tête duquel il y a un gouverneur.

Et la vie chère dans l’ensemble des îles.

Je crains qu’on prenne cette crise liée au covid 19 à la légère. C’est une crise qui diminue la productivité d’un pays, c’est-à-dire les moyens d’augmenter la croissance et par conséquent, il diminue les pouvoirs d’achats de chacun d’entre nous. Quand les produits deviennent rares, les prix augmentent automatiquement. C’est la loi de l’offre et de la demande. Pendant cette crise, l’intervention financière et nos discours ou des meetings de l’Etat est cruciale. Le gouvernement Comorien doit mener une négociation avec la France afin de modifier les statuts de la Banque Centrale pour qu’elle soit en phase avec la réalité comorienne. Elle doit favoriser une politique de crédit et de soutien aux secteurs privés en diminuant ses taux directeurs afin de le rendre plus accessibles et viables. C’est en aidant les secteurs privés que l’Etat pourra favoriser la création d’emploi et l’augmentation du pouvoir d’achat des comorien.

Croyez–vous qu’avec la nouvelle loi des finances, les opérateurs économiques contribueront –ils à la croissance économique de notre pays et à l’émergence ?

Les opérateurs économiques ne se mobilisent pas, plus particulièrement par rapport à la loi des finances qui sont des projections budgétaires de l’Etat. Ils se mobilisent, par contre selon la situation politique, la stabilité juridique, l’état de la justice du pays et surtout les climats des affaires. Malheureusement notre pays a beaucoup de retard dans plusieurs domaines. La situation politique n’est pas apaisée et la naissance des plusieurs gouvernements en exil ne donne pas une bonne image rassurante pour toute personne désirant venir investir dans notre pays. La question de la stabilité politique n’est pas malheureuses acquise pour notre pays. Je ne vous parle pas de la justice qui n’arrive même pas à régler nos petits problèmes fonciers, source des conflits parfois mortels chaque jour dans nos villes et villages. L’Etat doit s’impliquer et exister dans nos villes et villages afin d’éviter des conflits inutiles mais parfois mortelles. Nous ne devons pas minimiser le problème foncier car il risque de nous amener vers des désordres nationaux. Quant à l’émergence, les Comores pourront un jour, y parvenir mais la date de 2030 à la manière dont les choses évoluent aujourd’hui me parait compromise. Pour faire les Comores un pays émergent nous devons impérativement avoir la maitrise de notre politique monétaire. C’est cette dernière qui nous permettra de faire une politique de plein emploi, une réalité et non un discours électoraliste et de favoriser les pouvoirs d’achats de chaque comorien. A défaut de cette maitrise, on peut toujours nous faire rêver comme les 46 années qu’on a passées. Pour favoriser l’émergence de notre pays, le chef de l’Etat doit faire le choix de la compétence et des résultats au lieu de la proximité insulaire, régionale, villageoise ou partisane. Nous devons avoir une politique capable de mener le peuple comorien vers l’avant et non seulement une politique de durée.

Recueillis par KDBA

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